Kits
Pédagogiques
Kit 1
La Ruche
Un « hypervolume » comme ressource pédagogique
Kit 1
La Ruche
par Karen Polesello
Atelier participatif à partir de la documentation du projet La Ruche (2015). Les réalisations initialement créées dans le cadre du projet « Dessine moi un objet » ont été présentés et activées lors d’un atelier participatif en 2019 lors du colloque Entretiens en ateliers à l’Université de Nîmes.
Dans l’intitulé même des Entretiens en ateliers figurent trois axes centraux dans le travail que j’ai développé au sein de mon doctorat en design. Ces trois notions sont donc « design, appréhension et apprentissage ». Si je le rattache à ce travail et de manière très synthétique, je note : le design pour sa pratique et ses enjeux pédagogiques, l’appréhension pour le rapport à la matière, à l’objet ; et l’apprentissage pour tout ce qu’un projet de design permet de convoquer. La particularité de ma thèse est qu’elle est initiée par un projet, qui émane de la pratique que je développe en tant que designer et ébéniste. En effet, lors des prémices de ce travail, j’ai pu constater, puis analyser par le biais de diverses immersions en école primaire, les conditions de la pratique artistique, et plus spécifiquement celui de la pratique manuelle dans les classes allant du CP au CM2. Sans trop m’attarder sur le contexte propre à ce travail, je tenais à présenter des questions qui orientent mes réflexions. Par exemple : qu’est-ce qui explique l’engouement observable pour les écoles primaires dites « alternatives » en France sur ces dix dernières années ? Que peut-on observer quant à la pratique manuelle dans les écoles publiques françaises ? Qu’en est-il des outils dans l’école ? De la fabrication d’objets ? De lien à la matière ?
Un dispositif pédagogique par le design à l’école primaire
Dans cette recherche, je questionne plus particulièrement les enjeux de la pratique du design sur deux plans : comme sujet de thèse et comme méthodologie. Il s’agit d’analyser les enjeux et les conditions d’un enseignement du design comme discipline à l’école primaire afin de renouer avec la pratique manuelle, mais également d’interroger le design comme protocole de recherche menée par ma propre pratique. Par « projet de design à l’école primaire », j’entends la production d’artefacts en deux temps, de la conception à la réalisation, en choisissant une réelle matérialité finale, c’est-à-dire un prototype. Le design est une discipline de projet, et c’est vraisemblablement ce que propose La Ruche à travers la manipulation de son contenu. Ce dispositif pédagogique fait partie d’une démarche globale initiée à travers « Dessine-moi un objet » dont les prémices datent elles-mêmes de 2013. Cette démarche s’est construite par ma propre pratique de designer, mêlée à l’articulation des expérimentations à des accompagnements de la part des professeurs des écoles partenaires. Cet objet insuffle ainsi une façon de questionner une nouvelle forme d’enseignement par le projet et comme nous l’avons vu dans la manipulation de l’atelier de mise en pratique, c’est par la formation technique que nous entrons dans ce projet de design soit à dominante prospective, soit utilitaire en fonction du choix de l’enseignant. C’est dès lors par ce travail en question que nous nous immisçons dans les apprentissages. Ainsi, pour fabriquer un petit objet en plâtre rotomoulé, l’enfant est en mesure d’aborder des notions de géométrie, mathématiques, français qu’il soit lu, écrit, parlé ; d’art bien évidemment, de technologie, de citoyenneté et pourquoi pas d’histoire ou de géographie comme nous avons pu le voir dans le cadre d’un partenariat en 2018. Il peut également aborder les notions de plan et de volume. Par exemple, deux enseignantes ont choisi de travailler sur l’invention d’un objet qui répondrait à un besoin spécifique sur une nouvelle planète inhabitée, ou même d’un objet pour les attributs des dieux de la mythologie grecque. Les travaux réalisés ont été l’occasion de productions écrites et imagées en histoire, français, géographie, etc. En effet, en 2018, ce sont 7 classes en Gironde, à Monségur et Saint-Hilaire-de-la-Noaille qui ont décidé de faire de La Ruche et du projet de design un élément phare de leur année.
Une pédagogie de projet émanant du design par la technique
Après avoir apprivoisé les deux Ruches dans ces deux écoles du Sud Gironde, s’être formés à la technique du rotomoulage en toute autonomie, puis avoir utilisé cette technique dans un projet de design, les enfants et leurs professeures se sont préparés à la valorisation de leur propre travail. Nous avons fait le choix d’organiser une exposition se déroulant sur 3 jours et ayant accueilli près de 700 personnes. Cet événement prenait part dans la manifestation de la ville de La Réole, toujours en Gironde, intitulée Les Mains du patrimoine, organisée dans le cadre des journées européennes des métiers d’art. La Ruche comme je l’ai exposée permet de s’insérer dans une pédagogie de projet émanant du design par la technique, mais il existe une multitude de façon de combiner matière et technique dans ce cas de figure. Ce schéma-là fait directement écho, par exemple, aux pratiques d’apprentissage de l’ébénisterie dans le cursus des métiers d’art. Pourtant, avec un degré d’autonomie moindre, mais tout aussi important, la nouvelle classe actuelle de CM1-CM2 de cette année a initié une réelle démarche de design, et fait appel à une multitude d’acteurs pour l’aménagement de leur nouveau laboratoire de sciences expérimentales à Saint-Hilaire-de-la-Noaille. Tout comme d’autres protagonistes, les enfants m’ont alors convoquée pour un projet de création d’un établi où ils pourraient expérimenter, mais aussi ranger le matériel de chimie.
Activation d’un projet de design par les enfants
Dans cette dynamique de recherche et avec le soutien de l’équipe enseignante, nous avons permis aux enfants d’imaginer, de concevoir leur « laboratoire-mobile » mais également de passer à sa fabrication concrète. Cela s’est donc déroulé sous la forme d’une résidence sur plusieurs jours avec de nombreux ateliers entre un premier temps de conception puis de réalisation dans un chantier au sein de la classe. Ainsi, les enfants étaient en mesure d’entrer dans un autre projet de design, non pas initié par les adultes mais par leur véritable besoin. Ces expérimentations laissent place à de nouveaux comportements et usages de l’espace-école, de nouvelles formes organisationnelles, d’autres relations aux apprentissages, aux savoirs, au groupe classe c’est-à-dire au collectif. C’est donc en alternant entre ma posture de designer et de chercheure en design que j’étudie les pratiques et les effets induits par l’objet sur les différents acteurs de l’école élémentaire, afin de savoir si celui-ci pourrait permettre de valoriser la pratique manuelle à l’école.
Kit 2
Ré-créative
Une recherche-création sur le kit pédagogique en design graphique
par Vanessa Roussillon & Jérôme Dupont
Une recherche-création sur le kit pédagogique en design graphique
par Vanessa Roussillon & Jérôme Dupont
À partir de 2018, dans le cadre du programme de recherche Design de la Pédagogie, pédagogie du design de l’UPR PROJEKT, Vanessa Roussillon et Jérôme Dupont ont lancé ensemble une recherche-création sur la question du kit pédagogique et celle de l’initiation au design graphique dans les établissements scolaires.
Présentation du kit par Vanessa Roussillon :
Les trois principes qui ont structuré les premières phases de recherches étaient :
1. Travailler sur un élément structurant de l’histoire et de la culture graphique qu’est la création de caractères typographiques.
La création de caractères typographiques traverse l’histoire et celle du design graphique. La typographie se construit autour de familles, chacune avec ses caractéristiques, ses sous familles. La classification est une organisation mouvante, distinguant des caractères à empattements (serif) avec leurs spécificités et sans dites linéales (sans serif) avec également leurs particularités, puis il y a les autres : inclassables (pixelisées, modulaires, hybrides), fantaisistes, décoratives, écrites à la plume, les gothiques ou blackletters, puis celles imitant l'écriture, et enfin les caractères non latins : arabe, hindi, hébraique...
L'invention des caractères en plomb pour l'imprimerie par Johannes Gutenberg amorce le commerce de caractères typographiques pour l'édition comme ceux des Vénitiens Alde Manuce, Claude Garamont (Garamond), Giambattista Bodoni. À la révolution industrielle avec l'essort popularisé des presses à journaux, les caractères typographiques sont plus gros, plus gras, moins élégants, plus imposants pour être vus de loin. En Angleterre, William Morris fonde la Kelmscott Press. Imprimeur engagé, il renoue avec la petite série et l'artisanat. Il est de ceux qui considère l'imprimerie comme un espace de savoir-faire et de non-sur production. Puis entre 1924 et 1927 : ère du modernisme avec le « Futura » de Paul Renner. Puis la Neue Haas Grostesk, de Mas Miedinger, créée en 1956 installe un fonctionnalisme suisse avec ce caractère élégant et neutre à la fois. Un dessin équilibré dans les contrastes des lettres donne le poids idéal au sens de chaque mot.
2. Jouer sur un principe de contrainte libératoire comme étant un moteur à la fois heuristique et pédagogique.
3. Proposer une collecte liant les signes à des lieux, inspirée du Learning from Las Vegas de Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour (1972).
En 2019, un prototype de ce projet a été activé lors de la première édition des Entretiens en ateliers à l’Université de Nîmes, puis l’ensemble de la démarche a été intégré à une réflexion plus globale sur le kit pédagogique et le graphisme lors d’un séminaire de recherche dans lequel a été invitée Véronique Marrier, chargée de mission sur le design graphique au Centre National des Arts Plastiques, qui a dirigé la réalisation des kits créés en 2015 par Fanette Mellier puis en 2019 par Paul Cox.
Ré-créative,
objet pédagogique
de design graphique
En France, la culture du graphisme se diffuse à travers des objets pédagogiques pertinents et ludiques depuis les années 2000, (merci au CNAP – Centre National des Arts Plastiques) avec un objectif commun : l’envie et la volonté de rendre le graphisme accessible à tous. Le niveau était déjà élevé, et nous n’avions pas l’ambition de rivaliser avec l’existant. Les fonctions d’enjeux pédagogiques et éducatifs assemblées à celles d’objets historiques et plus récents nous ont guidé pour ouvrir d’autres pistes pour permettre de faire émerger des articulations pédagogiques autour du rôle du signe graphique en vue d’être intégré dans un tout.
Objets historiques : Louis Dumas (nîmois d’origine) est l’inventeur du Bureau typographique ou la « Bibliothèque des Enfans » (1733) «[…] Il s’agit de trouver le moyen de rendre sensibles et agréables, l’apprentissage de la lecture, la pratique et la connaissance des langues, orthographe, grammaire, des sciences et de tous les arts. » C’est « une machine à enseigner faite d’un bureau de bois et de cartes à jouer, mettant les sens des enfants au cœur du processus d’apprentissage en même temps que le jeu. » Un apprentissage alliant la réflexion et le mouvement du corps (Grandière, 1999).
Objets plus récents : les normographes sont des objets inspirants par leur taille, leur matériau et par les signes représentés : la plaque découpée universelle inventée en 1876, par l’ingénieur américain Joseph A. David. Réalisée en zinc et mesurant 6×13 cm, elle permet de tracer différentes variations d’un alphabet, en majuscules et en minuscules, mais aussi la ponctuation, des motifs géométriques et des ornements. Le travail contemporain sur le normographe de Karl Nawrot – normographes pour Dess Josa (Josef Albers) en 2011 ou encore l’invitation de l’exposition « Things to do » pour le Muséum fur Gestalltung, Zurich en 2012 – ouvre un champ créatif sur les moyens de la construction de lettres créant un lien avec l’espace et l’architecture d’un caractère. Puis le normographe est considéré par Lucile Bataille, comme un outil ludique dans lequel il est possible d’appréhender le signe via différentes expériences en manipulant la forme, la contre forme, le tracé, la copie, l’assemblage, la superposition.
Graphisme, pédagogie & interactivité
Cette expérimentation pédagogique est interactive car elle place l’usager, apprenant et enseignant, au centre du langage visuel. Nous avons travaillé sur les signes pour ce qu’ils sont, en tant qu’images et éléments textuels. Comme lorsque le ou la graphiste définit son espace de jeu et ses propres règles, qu’il ou elle fabrique si besoin ses propres outils ou objets pour créer son écriture, ses images, ses couleurs, ses modules. L’objectif de ce kit vise à ouvrir des discussions sur l’usage de signifiants graphiques ou typographiques dans notre quotidien, autant dans leur quantité, qualité, que dans leurs formes.
De Las Vegas à un glanage méditerranéen
Le point de départ de la conception s’est construit autour de la mise en avant de signes visuels et typographiques de l’ouvrage Learning from Las Vegas (1972). Cette taxinomie explorée et investie par Robert Venturi, D. Scott Brown et Steven Izenour, répertoriant entre autres l’architecture vernaculaire de Las Vegas, ont fait sens dans l’articulation d’un projet plus global et dans les images photographiées de Vanessa. Elles proviennent d’un glanage à travers la Méditerranée dans l’urbanité et la ruralité. C’est une interprétation d’un vernaculaire typographique méditerranéen. Entre inscriptions passées peintes et caractères néons rétros ou plus modernes avec une singularité esthétique, ce terrain exploratoire a permis de saisir des signes typographiques, de les croiser et de les classer. Puis, en resituant ces images, s’est dessiné une histoire, une géographie imaginaire…
Manifeste pédagogique pour et par le projet
Engagé pour l’accès à l’enseignement public et convaincu que le graphisme et la typographie sont accessibles à et par tous·tes, ce kit porte en vérité un manifeste pédagogique, pour et par le projet. L’utilisation de la lettre est au cœur des projets, pourtant ce n’est pas qu’une information dans une composition, si vous situez l’usage, vous lui attribuez un double rôle supplémentaire : d’une part une aide à la compréhension de la lecture, et d’autre part vous installez une perception esthétique liée au sujet. Nous assistons aujourd’hui à ce dualisme de l’information et l’esthétique où se crée le paradoxe entre les règles de construction, qui deviennent des non-règles de construction, où le sensible prend le dessus. Le graphisme, la typographie, est un engagement et une participation, une réflexion mobilisant corps et esprit, matière et expérience sensible. Le graphisme, ce n’est pas faire de la décoration pour remplir du vide.
A – Mener l’action en atelier, être dans le faire, être avec le geste.
B – Placer l’usager, l’élève, le public au centre de la réflexion.
C – Créer un langage visuel.
Ce kit laisse le choix de son entrée pédagogique, il aborde de manière ludique, des notions de graphisme et de typographie, tant dans le dessin de lettre, qu’à travers le rôle de la couleur en activant les pochoirs, ce kit aborde à travers le support du poster des notions de composition et de rapport entre texte et images, de repères, lignes de force. Il s’inscrit dans un cadre de faire, et non de règles. L’objectif de ce kit est de s’ouvrir l’esprit, d’activer la créativité de chacun·e dans le jeu à plusieurs.
Dans le résultat produit, chaque affiche possède une identité distincte pour chaque groupe. Nous nous étions donné l’objectif avec Jérôme de concevoir un kit devant servir à imaginer et créer. Car ce kit peut se visualiser comme un cycle, qui se recrée à l’aide de ses participants. Cette version alpha, a été testée en 2019 avec des professeurs d’arts appliqués, des étudiants de licence et du Master MEEF et du Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués (DSAA) de Marseille que nous tenions à remercier. La version bêta se termine avec des améliorations et est téléchargeable sur ce site (lien de téléchargement en bas de cette page).
Création de typographies & contrainte libératoire
Le « kit » a été activé dans les Entretiens en atelier en 2019, et s’inscrit dans l’axe Pédagogie du design, design de la pédagogie de PROJEKT.
Déroulement de l’atelier : après la découverte des éléments du kit, les participant·e·s restituent les signes découverts, les associent, en créent d’autres et laissent libre court à une géographie imaginaire d’une courte histoire absurde sur un poster A2, entre texte et image et, ou dessin.
Images de l'atelier Ré-créative avec les participant·e·s enseignant·e·s en arts appliqués, étudiant·e·s en MEEF, doctorant·e·s
Colloque Entretiens en ateliers : design appréhension et apprentissageProjekt/SITé/filière design d'Unîmes, Pôle Métropolitain Nîmes-Alès, ESPÉ-LR. Site Vauban de l'Université de Nîmes le 29 mars
KIT RÉ-CRÉATIVE (lettres et poster) / TÉLÉCHARGER
KIT RÉ-CRÉATIVE (kit complet) / TÉLÉCHARGER